Choisir la bonne ivresse
Juin 28
« L’homme est né pour l’ivresse. Quand j’étais jeune, je me répétais en boucle le petit poème en prose de Baudelaire sur la nécessité de l’ivresse : « Enivrez-vous sans cesse ! De vin, de poésie ou de vertu, à votre guise. »
Que nous en soyons conscient ou non, cette recherche de l’ivresse motive tout ce que nous faisons. La recherche du paradis perdu, la quête du Graal ou l’engagement mystique ; l’éblouissement dans les voyages, les sports extrêmes, les repas gastronomiques ; ou, plus prosaïquement, la course à l’argent, au pouvoir, à la reconnaissance sociale, ou le besoin d’amour, la sexualité et l’alcool, ainsi que les addictions à la consommation ; tout n’est que recherche d’ivresse. Transcender l’ordinaire, le banal, le poussiéreux, pour un jaillissement de plénitude qui, plus ou moins, nous comble, c’est cela que nous voulons tous vraiment.
L’utilisation de la drogue n’est qu’une forme particulière (hélas très destructrice) de cette quête unique qui taraude le tréfonds de l’être humain. Moins destructrices, toutes les approches sont néanmoins insatisfaisantes et causes de souffrance. Alors, existe-t-il une « bonne ivresse », qui comble en permanence sans effet secondaire ?
Toutes les traditions la pointent, l’indiquent, la nomment et décrivent des chemins pour l’atteindre. Elle est dans la connaissance de soi, dans l’expérience de sa nature essentielle, la reliance à la source de vie. C’est là que se trouvent de façon illimitée l’amour et la connaissance, la paix et la liberté. C’est là qu’est la source de la joie qui conduit à l’ivresse. C’est le secret de la vie. »
Alain Chevillat, Source n°19.